Prairies sèches

Xerobromion / Alysso-Sedion / Thero-Airion

Description

Les prairies sèches sont des formations herbacées* discontinues1 (Xerobromion: Xerobrometum erecti) qui s’installent sur les terrasses alluviales à sol très superficiel2, 4 de l’Allondon, de la Laire et du Moulin de Vert. Premiers stades de colonisation dans des secteurs historiquement rajeunis* par les crues, elles occupent des surfaces très réduites4 sur substrats filtrants, souvent en mosaïque avec les prairies mi-sèches.

Le terrain est très pauvre en nutriments2, 4 et la végétation clairsemée laisse apparaître des plages de terre nue, ou de substrat rocheux, parfois colonisées par les lichens, notamment terricoles* (Fulgensia fulgens, Cladonia ciliata, C. foliacea ou C. rangiformis), ou les mousses. Les éléments minéraux affleurent régulièrement. Par endroits, il est possible d’observer quelques galets4, 5. Les espèces de cet écosystème particulier sont toutes adaptées aux conditions d’aridité du milieu. Le brome dressé (Bromus erectus), espèce diagnostique des milieux secs, est présent3 de manière plus ou moins abondante4, 6. Il est souvent accompagné de la laîche à utricules lustrés (Carex liparocarpos)4, 6, de l’armoise champêtre (Artemisia campestris)4, 6, du fumana couché (Fumana procumbens)4, 6, du discret lin à feuilles menues (Linum tenuifolium)4, 6, de la globulaire allongée (Globularia bisnagarica)4, 6 et du thym précoce (Thymus praecox)4, 6 ce qui confère à ce milieu des senteurs provençales.

Certaines unités, encore plus fragmentaires, n’ont pas été cartographiées jusqu’ici car elles occupent de très petites surfaces ou se manifestent très occasionnellement.

Les conditions d’aridité dans lesquelles elles se développent permettent cependant de les rattacher aux prairies sèches. Il s’agit:

Où observer

En taches couvrant de petites surfaces sur les terrasses alluviales de l’Allondon (Dardagny).

Quand observer

D’avril à juin pour observer un maximum de plantes.

Profil

Surface en hectares
4
Pourcentage du canton occupé
0.01%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
1.5 1.55 1.6
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3.5 3.55 3.6
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
1.9 2 2.1
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
3.3 3.35 3.4
Naturalité
Value
5

Le saviez-vous?

Peu compétitrices dans des conditions écologiques moyennes, certaines espèces ont trouvé refuge dans des milieux plus exigeants. En contexte aride, nombreuses sont celles qui ont su trouver des adaptations pour tirer au mieux profit du peu d’eau à disposition. Feuilles réduites chez le fumaca couché (Fumana procumbems) et le lin à feuilles menues (Linum tenuifolium) pour limiter au maximum l’évaporation, coriaces chez le panicaut champêtre (Eryngium campestre) ou poilues chez l’alysson annuel (Alyssum alyssoides). Toutes les stratégies sont bonnes pour se maintenir dans ce biotope* inhospitalier !

Valeur biologique

Les prairies sèches ont une valeur biologique très importante liée autant à leur rareté au niveau cantonal et national, qu’au riche cortège spécifique qui leur est associé2. Sur le plan botanique, il faut souligner la présence de nombreuses espèces héliophiles* protégées*,1, comme le panicaut champêtre (Eryngium campestre)4, 5, très rare en Suisse, mais bien représenté à Genève. Les conditions de sécheresse sélectionnent également plusieurs mousses et lichens très particuliers (notamment Cladonia spp., Fulgensia fulgens)4, ainsi que des champignons rarissimes (par exemple Geaster spp.)4. Relevons cependant le caractère très vulnérable de ces populations1 qui s’explique par le manque d’habitats favorables (fermeture des prairies sèches, dégâts sur les sites propices) et par leur isolement géographique1, déterminant dans la limitation des échanges génétiques1.

Les insectes sont aussi très représentés. De nombreux papillons, comme l’azuré du serpolet (Maculinea arion) ou le céphale (Coenonympha arcania), trouvent refuge dans ces prairies. C’est également le cas de multiples criquets (criquet italien: Calliptamus italicus, criquet des jachères : Chorthippus mollis…).

Vulnérabilité et gestion

Autrefois maintenues par le pâturage extensif pratiqué sur les terrasses alluviales4, 5, les prairies sèches ont beaucoup régressé suite à l’abandon des pratiques traditionnelles et au manque de dynamique des cours d’eau. L’évolution naturelle du milieu vers les prairies mi-sèches dans un premier temps, puis vers les formations buissonnantes (qui peuvent s’installer grâce à des racines capables d’atteindre la nappe phréatique) semble inéluctable4. La mosaïque de milieux liée aux prairies très sèches constitue pourtant un atout pour la biodiversité. C’est notamment le cas pour la faune, qui bénéficie d’une multiplicité d’habitats* et plus particulièrement pour les animaux à sang froid qui profitent de petites zones dégagées et bien exposées pour se réchauffer. Néanmoins, l’équilibre est fragile et demande une gestion adaptée. Sans intervention humaine pour les maintenir ouvertes, les prairies sèches sont vouées à disparaître4.

Il convient donc de stabiliser l’embroussaillement2, 4 et de préserver les surfaces existantes en limitant la pression liée aux activités de loisirs4. Si elle reste faible, la fréquentation peut avoir un effet bénéfique en contribuant à maintenir le milieu ouvert. Mais, sur de nombreux sites, la pression exercée est aujourd’hui trop forte. Par exemple, dans le vallon de l’Allondon, l’installation de places de pique-nique, les feux sauvages, ainsi que le piétinement régulier du terrain par les promeneurs menacent par endroits certaines espèces sensibles.

Naturellement, la rivière devrait être à même de dégager, grâce à ses crues ponctuelles, de nouvelles plages de galets susceptibles de permettre en plusieurs dizaines d’années la reconstitution de prairies sèches plus ou moins temporaires. Mais cette dynamique spontanée est rompue à bien des endroits: sur le Rhône, la déconnexion des rives prévaut depuis la création du barrage de Verbois dans les années 1940. Ainsi, la pérennité des quelques prairies sèches du Moulin de Vert dépend aujourd’hui entièrement de l’intervention humaine. Sur l’Allondon, la création de ponts et d’endiguements, ainsi que l’imperméabilisation des surfaces sur la partie amont du bassin-versant, ont éloigné les emblématiques prairies sèches de la majorité des crues (passage d’un régime en tresse* à un régime en méandre*). Bien que souvent méconnue, cette déconnexion pourrait poser problème à moyen terme en empêchant le rajeunissement des surfaces. De plus, la fixation de l’azote atmosphérique (issu de la pollution) par les végétaux enrichit progressivement le sol, contribuant à faire évoluer, année après année, les dernières prairies sèches vers des prairies mi-sèches.

Evidemment, plus près de la rivière, certaines surfaces sont encore susceptibles de bénéficier d’un rajeunissement* naturel. Mais l’équilibre est subtil: dans le lit de divagation encore actif de l’Allondon, les crues de ces dernières années ont paradoxalement été trop fréquentes et trop rapprochées pour permettre le développement des prairies4 ; de plus, l’apport d’éléments fertilisants charriés par la rivière semble favoriser l’installation des espèces pionnières* nitrophiles*,4. Un constat qui reflète, somme toute, l’extrême fragilité de ces milieux.

Une grande partie des prairies sèches du canton se trouvent dans l’inventaire fédéral des prairies et pâturages secs (PPS).

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Alysson annuel Alyssum alyssoides
Armoise des champs Artemisia campestris
Aspérule des collines Asperula cynanchica
Brome dressé Bromus erectus
Laîche à utricules lustrés Carex liparocarpos
Céraiste à cinq étamines Cerastium semidecandrum
Panicaut champêtre Eryngium campestre
Fumana couché Fumana procumbens
Globulaire allongée Globularia bisnagarica
Lin à feuilles menues Linum tenuifolium
Luzerne naine Medicago minima
Epiaire droite Stachys recta
Germandrée petit-chêne Teucrium chamaedrys
Germandrée des montagnes Teucrium montanum
Thym précoce Thymus praecox
Bryophytes
Cephaloziella divaricata
Phascum curvicolle
Pleurochaete squarrosa
Racomitrium canescens
Rhytidium rugosum
Riccia sorocarpa
Lichens
Cladonia ciliata
Cladonia foliacea
Cladonia rangiformis
Fulgensia fulgens
Oiseaux
Torcol fourmilier Jynx torquilla
Pie-grièche écorcheur Lanius collurio
Reptiles
Lézard vert Lacerta bilineata
Vipère aspic Vipera aspis
Orthoptères
Criquet italien Calliptamus italicus
Criquet des jachères Chorthippus mollis
Decticelle bicolore Metrioptera bicolor
Gomphocère tacheté Myrmeleotettix maculatus
Criquet rouge-queue Omocestus haemorrhoidalis
Lépidoptères
Céphale Coenonympha arcania
Azuré des cytises Glaucopsyche alexis
Azuré du serpolet Maculinea arion
Mélitée des scabieuses Melitaea parthenoides
Mélitée des centaurées Melitaea phoebe
Azuré des coronilles Plebejus argyrognomon
Hespérie des potentilles Pyrgus armoricanus
Hespérie de Rambur Pyrgus cirsii
Zygène de la carniole Zygaena carniolica
Coléoptères terrestres
Cicindèle champêtre Cicindela campestris campestris
Coraebus elatus
Autres
Ascalaphe soufré Libelloides coccajus
Auteurs
Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier