Ourlets mésotrophes

Ourlets mésotrophes

Description

L’ourlet est une végétation herbacée* dominée par des plantes dicotylédones* à feuillage large. Il forme une ceinture herbacée* de quelques mètres de large au pied des buissons, des haies et en lisière. L’ourlet est un élément constitutif de la transition entre la forêt et les milieux ouverts (prairies, cultures, chemins), lorsque suffisamment de place lui est laissée par les activités humaines. La végétation des ourlets se distingue des formations prairiales* par la faible importance des graminées et la présence d’une grande variété d’espèces* qui ne supportent pas un traitement par fauche ou par pâture régulières1.

Les ourlets mésotrophes sont liés à des sols peu à moyennement riches en nutriments*. Ils comprennent une grande variété de groupements qui diffèrent selon la quantité de nutriments*, les conditions d’humidité du sol (très sec, sec, frais* ou à humidité variable) et le pH* du sol. Sur les sols riches en nutriments*, ce sont des groupements d’ourlets eutrophes qui se développent.

La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1: 5’000e les cinq variantes suivantes:

  • les groupements d’ourlets maigres mésophiles à trèfle intermédiaire (Trifolion medii) se rencontrent sur des sols moyennement secs ou à humidité variable, pauvres à moyennement riches en nutriments*, 2. Ils constituent le plus souvent de minces cordons discontinus en lisière de forêt. Ils peuvent aussi se développer au sein des prairies maigres, autour d’éléments qui font obstacle à la fauche (autour de bosquets, au pied des murets, sur les talus)1. Le Trifolion medii est caractérisé par la présence du trèfle intermédiaire (Trifolium medium)1, 2 et du brachypode des rochers (Brachypodium rupestre)1, 2, souvent associés à la coronille bigarrée (Securigera varia)2, à l’aigremoine eupatoire (Agrimonia eupatoria)1, 2 et à l’origan (Origanum vulgare)1, 2. Sur les sols les plus pauvres en nutriments* se développent des variantes à brachypode des rochers (Brachypodium rupestre)2 et/ou épervière des murs (Hieracium murorum)2, souvent associés à des espèces* thermophiles* telles que l’euphorbe à feuilles d’amandier (Euphorbia amygdaloides)2 ou la mélitte à feuilles de mélisse (Melittis melissophyllum)2. Ce groupement est assez fréquent à Genève.
  • les groupements à mélampyre des prés (Melampyrion pratensis) colonisent les sols acides avec tendance sécharde2, souvent en lisière des chênaies acidophiles (chênaies à molinie). Ils se caractérisent par la présence du mélampyre des prés (Melampyrum pratense)2, accompagné d’espèces* de chênaies acidophiles comme la gesse des montagnes (Lathyrus linifolius)2 et la molinie littorale (Molinia arundinacea)2 ou par des espèces* comme l’épervière en ombelle (Hieracium umbellatum)2 et la gesse noire (Lathyrus niger)2 dans les situations plus sèches. Ce groupement est peu fréquent à Genève.
  • les groupements à potentille dressée et houlque molle (Potentillo-Holcion) colonisent les sols acides, argileux et temporairement inondés2. Dominés par les graminées telles que la houlque molle (Holcus mollis)2 et l’agrostide capillaire (Agrostis capillaris)1 ou par la germandrée des bois (Teucrium scorodonia)2, ils se caractérisent par la présence du jonc épars (Juncus effusus), de la potentille dressée (Potentilla erecta)2 ou de la lysimaque commune (Lysimachia vulgaris)2. Ils se rencontrent généralement à la lisière des aulnaies, des saulaies marécageuses ou des chênaies à molinie2. Ce groupement est rare dans le canton.
  • les groupements d’ourlets maigres xérophiles à géranium sanguin (Geranion sanguinei) se développent sur des sols très secs et très pauvres en nutriments*, 2. Ils se caractérisent par la dominance du géranium sanguin (Geranium sanguineum)2 ou du peucédan cervaire (Peucedanum cervaria)2, souvent associés à des espèces basiphiles* comme l’anthéric rameux (Anthericum ramosum)1, le buplèvre en faux (Bupleurum falcatum)1, la germandrée petit chêne (Teucrium chamaedrys)1 ou l’inule rugueuse (Inula conyzae)2. La plupart des végétaux de cette unité ont des feuilles finement découpées ou étroites, ce qui témoigne d’une adaptation à la sécheresse1. Ces groupements sont riches en espèces*,1. Ils constituent une interface avec les buissons xérophiles et les chênaies sèches2, où ils s’intègrent dans le sous-bois1. Le Geranion sanguinei s’observe, entre autres, au pied des fourrés xérophiles de l’Allondon, il reste cependant rare à Genève.
  • les groupements à fougère aigle (Holco-Pteridion) se développent sur des sols acides et frais* et sont constitués par la fougère aigle (Pteridium aquilinum)2. Au vu de la taille importante de cette fougère, l’unité se rapproche des mégaphorbiaies. La fronde de la fougère aigle se décompose difficilement, la litière s’accumule au fil du temps et limite l’arrivée de lumière au sol1, ce qui explique le caractère monospécifique du groupement. L’Holco-Pteridion est très rare dans le canton.

Où observer

Les ourlets maigres mésophiles (Trifolion medii) peuvent être observés au bois des Crevasses (Chancy). Les ourlets maigres xérophiles (Geranion sanguinei) peuvent être observés à l’Allondon (Dardagny, Satigny).

Quand observer

Entre juin et juillet, pour observer les fleurs réunies en couronne de la coronille bigarrée.

Profil

Surface en hectares
4.8
Pourcentage du canton occupé
0.02%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
2 2.5 3
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3.2 3.3 3.6
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
3.4 3.9 4.1
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
3.6 3.9 4.1
Naturalité
Value
4

Le saviez-vous?

Les ourlets mésotrophes sont importants pour de nombreux papillons, comme le céphale (Coenonympha arcania), l’amaryllis (Pyronia tithonus) ou la sylvaine (Ochlodes venata). L’un d’entre eux est particulièrement protégé à Genève : l’azuré des coronilles (Plebejus argyrognomon). Ce joli papillon aux ailes bleu-violet chatoyantes est très rare* en Suisse et la plupart de ses populations helvétiques vivent à Genève. Il est tributaire de conditions sèches et chaudes où prospère sa plante hôte, la coronille bigarrée (Securigera varia)6. La chenille de l’azuré des coronilles a la particularité, comme les autres espèces* du genre Plebejus, d’être soignée par des fourmis. En échange de ces soins, elle produit du miellat (une sécrétion sucrée), comme le font également les pucerons. Ce papillon rare fait l’objet d’un plan d’action national, ainsi que d’un plan d’action cantonal pour sa protection6. C’est une « espèce cible » à Genève. Cela signifie que, dans les sites où il est présent, la gestion prend en compte ses exigences écologiques. La création d’ourlets maigres* et leur entretien adapté (fauche tardive alternée, création de sinuosité, etc.) contribuent à protéger l’azuré des coronilles en favorisant sa plante hôte. Cette attention particulière semble couronnée de succès car la situation de l’azuré des coronilles s’est améliorée ces dernières années.

Valeur biologique

Les ourlets mésotrophes sont composés d’une grande diversité d’espèces* et ils présentent un intérêt écologique élevé (à l’exception de l’Holco-Pteridion, qui est quasiment monospécifique). Les ourlets forment un maillon essentiel de la biodiversité, à l’interface entre les milieux ouverts et les milieux forestiers. La flore des ourlets est constituée d’espèces* herbacées* spécifiques, auxquelles se mélangent des espèces* de prairies et de sous-bois. Outre sa riche composition floristique, elle offre des structures différentes, moins homogènes et plus horizontales que dans la prairie, et également moins souvent perturbées (par la fauche)1. Cette diversité d’espèces*, de formes et d’entretien, couplée à des floraisons étalées1, constitue une offre importante en nourriture et en abris pour les invertébrés. Ils peuvent, entre autres, se réfugier dans les zones d’ourlet après la fauche ou le passage du bétail sur les prairies et pâturages. C’est un milieu* très important pour la faune en général, abritant, comme pour la flore, des espèces* spécialisées ainsi que des espèces* en visite depuis les milieux* adjacents3. De plus, le déploiement linéaire de ces milieux* leur confère un rôle de couloirs de déplacement pour la faune, notamment quand l’entretien des prairies adjacentes a été réalisé et que la végétation y est rase.

Le Geranion sanguinei est un milieu* très riche en espèces* végétales qui offre une grande diversité de fleurs à butiner pour les insectes1. Ce groupement est rare à Genève et il héberge des espèces* protégées* peu fréquentes à rares* comme l’anthéric à fleurs de lys (Anthericum liliago)4, l’arabette tourette (Arabis turrita)4, le buplèvre en faux (Bupleurum falcatum)4, le géranium sanguin (Geranium sanguineum)4, le mélampyre à crêtes (Melampyrum cristatum)5 et la potentille des rochers (Potentilla rupestris)4. Le Geranion sanguinei est typiquement présent au contact des buissons xérophiles et des chênaies sèches et ces milieux* forment des mosaïques à haute valeur écologique.

Le Trifolion medii est composé de plantes assez communes. Il est important pour la faune et le paysage en tant qu’unité d’ourlet mésotrophe la plus fréquemment rencontrée dans le canton. Plusieurs espèces* de cette unité, dont l’origan (Origanum vulgare) et la coronille bigarrée (Securigera varia), ont des floraisons tardives et offrent ainsi des ressources en nectar après le boom des floraisons printanières1. Le Trifolion medii est riche en espèces de la famille des fabacées qui sont importantes pour les abeilles sauvages1. Cet ourlet mésotrophe est également le milieu de prédilection d’espèces* végétales rares*, comme la vesce des buissons (Vicia dumetorum), menacée de disparition et protégée à Genève5, et l’aigremoine odorante (Agrimonia procera), assez fréquente à Genève, mais rare ailleurs en Suisse1, 5.

Vulnérabilité et gestion

Les ourlets mésotrophes souffrent de l’intensification des modes d’exploitation et, entre autres, de l’eutrophisation* qui en découle1.

Pour maintenir les ourlets mésotrophes et leur biodiversité*, certaines précautions sont nécessaires dans leur entretien. Tout d’abord, ces milieux* ont besoin d’un espace au pied des buissons, où l’entretien est irrégulier et extensif*. La fauche, la pâture, le broyage ou toute autre utilisation, si elles sont trop intensives*, les feront disparaître. Parallèlement, l’absence d’entretien laissera la place aux ligneux. Une fauche tardive (septembre-octobre) est favorable car elle garantit l’expression de la floraison étalée de ces structures et permet la dispersion des graines des espèces* tardives. La fauche doit être effectuée par tronçons fauchés en alternance tous les deux à trois ans (fauche alternée). Le produit de la fauche doit impérativement être exporté, sans quoi il se décompose sur place, apportant de l’azote et du feutrage, ce qui nuit à la diversité floristique3. L’idéal est de maintenir, et le cas échéant de créer, des sinuosités dans l’ourlet, afin d’en augmenter la surface3. Les ourlets sont souvent entretenus par broyage, ce qui permet également de garder la structure et la végétation d’ourlet, à condition que le broyage soit tardif et que les résidus végétaux soient exportés. Le broyage a toutefois l’inconvénient d’être très destructeur pour la faune et doit être limité uniquement aux surfaces très peu entretenues et avec une présence élevée de ligneux.

Enfin, il faut tenir les ourlets à l’abri des engrais et des produits phytosanitaires3, ce que permettent les zones tampons entre les champs et les milieux boisés (forêts et haies) exigées légalement aux agriculteurs. Précisons que, dans ce genre de configuration en lisière de champ, la présence de végétation d’ourlet est rare et elle est cantonnée à une étroite bande subsistant dans la partie boisée.

Cartographie

Les ourlets sont sous-représentés dans la cartographie des milieux du fait de leur disposition en linéaires qui échappe à la résolution de la carte. Au vu de leur intérêt écologique, ils y ont été ajoutés et les structures les mieux développées ont pu être cartographiées, ce qui fournit des informations importantes pour le gestionnaire. Depuis, une meilleure attention est portée aux ourlets mésotrophes sur le terrain, ce qui permettra d’augmenter peu à peu les surfaces cartographiées.

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Aigremoine eupatoire Agrimonia eupatoria
Agrostide capillaire Agrostis capillaris
Anthéric rameux Anthericum ramosum
Astragale à feuilles de réglisse Astragalus glycyphyllos
Brachypode des rochers Brachypodium rupestre
Buplèvre en faux Bupleurum falcatum
Laîche de Paira Carex pairae
Géranium sanguin Geranium sanguineum
Epervière des murs Hieracium murorum
Epervière en ombelle Hieracium umbellatum
Houlque molle Holcus mollis
Inule rugueuse Inula conyzae
Gesse des montagnes Lathyrus linifolius
Mélampyre des prés Melampyrum pratense
Mélitte à feuilles de mélisse Melittis melissophyllum
Origan Origanum vulgare
Peucédan cervaire Peucedanum cervaria
Pâturin à feuilles étroites Poa angustifolia
Potentille dressée Potentilla erecta
Fougère aigle Pteridium aquilinum
Coronille bigarrée Securigera varia
Solidage verge d’or Solidago virgaurea
Epiaire officinale Stachys officinalis
Germandrée petit chêne Teucrium chamaedrys
Germandrée des bois Teucrium scorodonia
Trèfle intermédiaire Trifolium medium
Vesce des buissons Vicia dumetorum
Dompte-venin officinal Vincetoxicum hirundinaria
Mammifères
Muscardin Muscardinus avellanarius
Oiseaux
Rossignol philomèle Luscinia megarhynchos
Fauvette à tête noire Sylvia atricapilla
Fauvette des jardins Sylvia borin
Reptiles
Lézard agile Lacerta agilis
Lézard vert Lacerta bilineata
Lézard des murailles Podarcis muralis
Vipère aspic Vipera aspis
Orthoptères
Criquet des clairières Chrysochraon dispar
Gomphocère roux Gomphocerippus rufus
Phanéroptère porte-faux Phaneroptera falcata
Lépidoptères
Carte géographique Araschnia levana
Sylvaine Ochlodes venata
Azuré des coronilles Plebejus argyrognomon
Amaryllis Pyronia tithonus
Coléoptères terrestres
Petit capricorne Cerambyx scopolii
Cétoine dorée Cetonia aurata
Clyte bélier Clytus arietis
Grammoptera ruficornis
Auteurs
Anne-Laure Maire, Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier