Prairies mi-sèches

Mesobromion

Description

Les prairies mi-sèches sont des formations herbacées* qui se développent sur les pentes bien exposées ou les terrasses alluviales graveleuses du canton2, 5. Il est occasionnellement possible d’en apercevoir sur les talus routiers ou le long des voies ferrées1, 2, mais toujours sur des terrains drainants et bien exposés. Leur sol, peu épais (environ 20-40 cm), filtrant ou argileux est pauvre en nutriments*, 1 et présente une disponibilité en eau limitée. Il en résulte une faible productivité agricole. La fauche traditionnelle permet une production de matière sèche d’environ 1,5 à 4 tonnes par hectare et par an1, contre un rendement de 10 à 15 tonnes/ha/an obtenues sur les prairies artificielles intensives.

Dans ces prairies couvertes d’un tapis herbacé de faible hauteur1 (50-60 cm environ), l’espèce emblématique qui structure le milieu est sans conteste le brome dressé (Bromus erectus)2 qui donne son nom à l’alliance phytosociologique* du Mesobromion. Ce dernier est accompagné d’un grand nombre d’espèces résistantes à la sécheresse1.

La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1: 5’000e les cinq variantes suivantes :

  • les prairies mi-sèches à germandrée (Mesobromion: Teucrio-Mesobrometum) sont situées sur les sols les plus secs et pauvres en éléments nutritifs*. Elles se distinguent par la présence d’espèces adaptées à une sécheresse marquée comme l’aster amelle (Aster amellus)3, la globulaire allongée (Globularia bisnagarica)3, la germandrée petit-chêne (Teucrium chamaedrys)3 et toute une série d’orchidées xérophiles*,3 dont le célèbre ophrys bourdon (Ophrys holosericea). Elles succèdent aux prairies sèches avec lesquelles elles forment souvent une mosaïque caractéristique.
  • les prairies mi-sèches à esparcette (Mesobromion: Onobrychido-Brometum) sont présentes sur des sols pauvres en particules fines et en éléments nutritifs*, 3, mais riches en calcium. Elles se caractérisent par la présence souvent abondante de l’esparcette à feuilles de vesce (Onobrychis viciifolia)3. Les espèces adaptées à la faible disponibilité en nutriments* sont fréquentes, comme l’orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis)3, la brize intermédiaire (Briza media)3, la laîche du printemps (Carex caryophyllea)3, l’œillet des Chartreux (Dianthus carthusianorum) ou le polygale à toupet (Polygala comosa).
  • les prairies mi-sèches à sauge (Mesobromion: Salvio-Mesobrometum) sont localisées sur des sols chargés en particules fines, modérément riches en éléments nutritifs*, 3, mais pauvres en calcium. Elles se distinguent par l’abondance de la sauge des prés (Salvia pratensis)3, la présence de la bugrane épineuse (Ononis spinosa)3 et d’espèces prairiales* plus exigeantes en éléments nutritifs* telles que le fromental (Arrhenatherum elatius)3, l’avoine dorée (Trisetum flavescens)3 ou le salsifis des prés (Tragopogon pratensis subsp. orientalis)3. Il s’agit d’un groupement de transition vers les prairies semi-naturelles extensives.
  • les prairies sèches à lotier (Mesobromion: Loto-Brometum) sont situées sur les sols à teneur argileuse élevée et présentent de ce fait un sol occasionnellement engorgé lors de fortes précipitations. Elles se caractérisent par la présence d’espèces tolérant ces inondations ponctuelles comme le lotier maritime (Lotus maritimus), la laîche glauque (Carex flacca), l’inule à feuilles de saule (Inula salicina), la laîche faux-panic (Carex panicea), le genêt des teinturiers (Genista tinctoria) ou la molinie faux-roseau (Molinia arundinacea)3. Elles constituent une transition vers les prairies humides à filipendule à six pétales.
  • les prairies sèches à peucédan (Mesobromion: Peucedano-Brometum) se distinguent par la présence d’espèces à floraison estivale comme le peucédan des cerfs (Peucedanum cervaria), l’origan (Origanum vulgare) ou la coronille bigarrée (Securigera varia). Elles constituent une transition vers les ourlets mésotrophes.

Où observer

Sur les terrasses alluviales de l’Allondon au nord du parking des Granges, au lieu-dit Sur la Tourne (Dardagny).

Quand observer

D’avril à juin pour profiter de la floraison des orchidées.

Profil

Surface en hectares
48.5
Pourcentage du canton occupé
0.20%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
2.1 2.4 2.5
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3.3 3.5 3.6
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
2.2 2.4 2.8
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
4 4 4.2
Naturalité
Value
4

Le saviez-vous?

Certaines orchidées ont développé des techniques étonnantes pour attirer leurs pollinisateurs*. C’est le cas par exemple de l’ophrys bourdon (Ophrys holosericea), pollinisée* par des abeilles sauvages. La plante attire le mâle en produisant une odeur (phéromone*) et en présentant un aspect (forme du labelle, le plus grand des pétales) presque identique à celle de l’abeille femelle. Cette stratégie de leurre est efficace : les mâles s’arrêtent, pensant pouvoir se reproduire, puis repartent couverts de pollen*. S’ils se laissent piéger une deuxième fois un peu plus loin, la stratégie de l’espèce aura été payante : le pollen* aura été dispersé et une nouvelle fleur sans doute fécondée !

Valeur biologique

Milieux peu représentés dans le canton, les prairies mi-sèches ont une valeur biologique très importante liée autant à leur rareté au niveau cantonal et national qu’à la richesse de leur cortège* spécifique2. Sur le plan floristique, la végétation est très diversifiée (certains relevés recensent plus de 70 espèces et sous-espèces sur une surface de 50 m2)4 et comporte plusieurs espèces rares* et protégées*, 1. C’est le cas par exemple de la brunelle blanche (Prunella laciniata), mais aussi des orchidées5 comme l’orchis bouc (Himantoglossum hircinum), l’orchis militaire (Orchis militaris) ou l’ophrys abeille (Ophrys apifera).

Les insectes sont également très représentés. De nombreux papillons1 comme le grand nègre des bois (Minois dryas) ou l’azuré de l’esparcette (Polyommatus thersites) trouvent refuge dans ces prairies. C’est également le cas des criquets (grillon champêtre: Gryllus campestris, criquet du brachypode : Stenobothrus lineatus…), des coléoptères (Stenopterus rufus, Oxythyrea funesta…) et de l’énigmatique mante religieuse (Mantis religiosa). L’ensoleillement du milieu attire aussi les animaux à sang froid comme la vipère aspic (Vipera aspis) ou le lézard vert (Lacerta bilineata) qui viennent s’y réchauffer. De plus, la pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) viendra chasser ses proies dans ces prairies pour autant qu’elle trouve quelques îlots arbustifs* à proximité pour établir son nid.

Vulnérabilité et gestion

L’intérêt agronomique de ces formations, traditionnellement exploitées pour le fourrage et comme pâturage extensif, a régressé en raison de leur faible rendement. De plus, dans les années 1960, d’importantes surfaces ont disparu sous le coup des reboisements de «compensation». Il s’agissait alors de compenser les surfaces forestières défrichées lors de la construction de l’autoroute Genève-Lausanne5.

Aujourd’hui, au vu de leur grande richesse* biologique, la préservation de ces prairies est un objectif national qui nécessite un entretien régulier et attentif pour compenser l’abandon des pratiques traditionnelles. La priorité du gestionnaire est de maintenir un régime de fauche approprié, ainsi que les pauvretés en humus* et en nutriments* du sol2, gages d’une biodiversité élevée. Dans cette perspective, il est préconisé de faucher le milieu annuellement ou bisannuellement* après fructification2 (en principe au minimum après le 15 juin en plaine, mais plus idéalement entre le 15 juillet et le 15 septembre). Idéalement, le produit de coupe est laissé au sol au minimum 2 ou 3 jours afin d’assurer la dispersion de la petite faune et la dissémination* des graines2. Il est ensuite exporté2 pour être valorisé, limitant ainsi l’épaississement de l’humus*. La date de fauche doit idéalement varier chaque année (afin de favoriser à tour de rôle des espèces différentes) et l’intervention doit être sectorisée. Maintenir sur pied une partie du milieu permet en effet d’assurer des zones refuges* pour la faune2. Le gestionnaire peut assurer un taux de buissons d’environ 15 à 25% afin d’augmenter la valeur de la prairie, ce qui permet notamment à certaines espèces (oiseaux, papillons) de bénéficier de sites de nidification.

Une pâture occasionnelle peut selon les cas être réalisée, mais de manière épisodique et plutôt en fin de saison2, 6. Si elle a lieu trop régulièrement ou trop précocement, cela tend à appauvrir le cortège* floristique2, 6. Le type et la charge en bétail sont à adapter en fonction des objectifs patrimoniaux* et de l’offre pastorale (quantité de matière disponible)6. Le choix de l’espèce a en effet un impact important sur la composition et la couverture végétales, qui s’explique par des comportements et des modes d’alimentation distincts. Moins sélectifs que les moutons, les bovins sont, en règle générale, les animaux les plus adaptés aux prairies sèches2, 6. Dans la région genevoise, le choix est surtout conditionné par la réalité de terrain. Il faut trouver les exploitants qui acceptent de mettre à disposition leurs animaux et composer avec le type de bétail disponible.

Une grande partie des prairies sèches du canton se trouvent dans l’inventaire fédéral des prairies et pâturages secs (PPS).

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Acéras homme-pendu Aceras anthropophorum
Orchis pyramidal Anacamptis pyramidalis
Anthyllide commune Anthyllis vulneraria subsp. Carpatica
Arabette hérissée Arabis hirsuta
Brachypode des rochers Brachypodium rupestre
Brize intermédiaire Briza media
Brome dressé Bromus erectus
Laîche du printemps Carex caryophyllea
Centaurée jacée Centaurea jacea
OEillet des Chartreux Dianthus carthusianorum
Gaillet jaune Galium verum
Hippocrépide à toupet Hippocrepis comosa
Koelérie pyramidale Koeleria pyramidata
Esparcette à feuilles de vesce Onobrychis viciifolia
Bugrane rampante Ononis repens
Ophrys abeille Ophrys apifera
Ophrys bourdon Ophrys holosericea
Orchis militaire Orchis militaris
Orchis bouffon Orchis morio
Boucage saxifrage Pimpinella saxifraga
Polygale à toupet Polygala comosa
Potentille du printemps Potentilla neumanniana
Primevère du printemps Primula veris
Renoncule bulbeuse Ranunculus bulbosus
Rhinanthe velu Rhinanthus alectorolophus
Sauge des prés Salvia pratensis
Petite pimprenelle Sanguisorba minor
Scabieuse colombaire Scabiosa columbaria
Thym pouliot Thymus pulegioides
Trèfle des montagnes Trifolium montanum
Oiseaux
Torcol fourmilier Jynx torquilla
Pie-grièche écorcheur Lanius collurio
Reptiles
Lézard vert Lacerta bilineata
Vipère aspic Vipera aspis
Orthoptères
Criquet du brachypode Stenobothrus lineatus
Grillon champêtre Gryllus campestris
Decticelle bariolée Metrioptera roeselii
Lépidoptères
Azuré des cytises Glaucopsyche alexis
Mélitée des scabieuses Melitaea parthenoides
Mélitée des centaurées Melitaea phoebe
Grand nègre des bois Minois dryas
Azuré des coronilles Plebejus argyrognomon
Azuré de l’esparcette Polyommatus thersites
Hespérie des potentilles Pyrgus armoricanus
Coléoptères terrestres
Méloé violet Meloe violaceus
Cétoine grise Oxythyrea funesta
Stenopterus rufus
Clairon des abeilles Trichodes apiarius
Autres
Epeire fasciée Argiope bruennichi
Ascalaphe soufré Libelloides coccajus
Mante religieuse Mantis religiosa
Auteurs
Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier